Le début d’un conte est la promesse d’un voyage. C’est la partie qui séduit (ou non) le lecteur, en lui présentant un aperçu juste de l’histoire dans laquelle il s’apprête à plonger.
Un premier pas vite franchi pour le lecteur mais pas toujours évident pour l’écrivain, qui doit concocter un tableau où le héros, sa quête et son univers cohabitent en toute harmonie. Tout cela, de manière attrayante. Et en quelques lignes.
C’est pourquoi je vous propose de regarder d’un peu plus près quelques exemples de débuts de contes, qui ont allumé quantité d’étincelles dans les yeux de lecteurs de tous âges:
1. Le géant aux chaussettes rouges, Pierre Gripari, dès 9 ans
« Il était une fois un géant qui avait des chaussettes rouges. Il était haut comme trois étages et vivait sous la terre.
Un beau jour, il se dit :
– C’est ennuyeux de rester garçon ! Je vais faire un tour là-haut et tâcher de me marier. »
Un personnage un peu naïf et décalé, une mission impossible, un humour qui frôle l’absurde, et hop, c’est parti pour une histoire où toutes les surprises sont possibles.
2. Le gentil petit diable, Pierre Gripari, dès 9 ans
« Il était une fois un joli petit diable, tout rouge, avec deux cornes noires et deux ailes de chauve-souris. Son papa était un grand diable vert et sa maman une diablesse noire. Ils vivaient tous les trois dans un lieu qui s’appelle l’Enfer, et qui est situé au centre de la Terre.
L’Enfer, ce n’est pas comme chez nous. C’est même le contraire : tout ce qui est bien chez nous est mal en Enfer ; et tout ce qui est mal ici est considéré comme bien là-bas. C’est pourquoi, en principe, les diables sont méchants.
Mais notre petit diable, lui, voulait être gentil, ce qui faisait le désespoir de sa famille. »
Voilà un joli chamboulement en partant, puisque notre héros est un petit diable… tout gentil. Sa quête, on le sent déjà, ne sera pas du goût de ses parents. Et quand les parents en question sont deux créatures infernales, la suite de l’histoire nous laisse deviner le mot “REBELLION” en lettres de feu.
3. L’allumeur de rêves, Dorothée Piatek, dès 6 ans
« Parce que la nuit était devenue éternelle, l’allumeur de rêves travaillait inlassablement pour apporter un peu de lumière sur la Terre. Les nuits s’enchaînaient, identiques aux précédentes, pareilles à celles à venir.
Puis, un jour, dans l’obscurité d’une rue, le géant croisa un enfant qui lui semblait perdu. »
Le ton poétique et le personnage de l’allumeur de rêves créent ici un univers onirique, pour un thème qui reflète pourtant un sujet d’actualité, l’écologie. Le héros est un enfant comme les autres, auquel les petits lecteurs peuvent facilement s’identifier, pour mieux assimiler cette histoire qui invite à la réflexion.
4. Émilie pleine de jouets, Gilles Tibo, dès 4 ans
« La petite Émilie n’était pas une enfant comme les autres. Chaque fois qu’elle fermait puis ouvrait la main, un jouet apparaissait dans le creux de sa paume. »
Ici, l’univers, la quête et l’héroïne sont tous régis par ce don, qui fait naître un tas de questions: comment un enfant réagit-il quand il a un don si convoité? Quelles sont les resposabilités que ce don entraîne? Que faire quand il risque de devenir encombrant?
5. Le chien de Montargis, adapté et écrit par Françoise Claustres, dès 6 ans
« Ce matin-là, le roi Charles V se réveilla d’excellente humeur : il allait à la chasse. Il descendit quatre à quatre les marches du palais.
– Où est messire Aubry ? demanda-t-il. Je ne le vois pas.
Personne ne répondit. »
L’univers a beau ne pas très détaillé, on rentre dans l’histoire au grand galop, aux côtés de ce roi bourré d’entrain. Des phrases courtes, un vocabulaire précis, une disparition dès la troisième ligne, et on est en route pour une aventure qui va défiler à toute vitesse.
6. La princesse aux mains blanches, Gilles Tibo, dès 4 ans
« La princesse Marguerite devait toujours porter des gants de fine dentelle. C’était, paraît-il, pour la protéger des souillures de ce monde. Plus de mille fois, elle avait essayé de les enlever, mais chaque fois, on la réprimandait. Voilà pourquoi la petite Marguerite jouait, mangeait, dessinait, les mains toujours recouvertes de fine dentelle. Partout dans le royaume, on la surnommait « La Princesse aux mains blanches. »
Le thème, la mission et le dénouement sont ici suggérés dès la première phrase. L’héroïne est une princesse délicate et docile, qui laisse présager une histoire toute en douceur. Les gants de dentelle, fragiles et anodins en apparence sont le symbole de son grand isolement. La surprise de l’histoire réside dans le moyen par lequel Marguerite va réussir à changer sa situation.
7. La princesse dans un sac, Robert Munsch, dès 3 ans
« Élisabeth était une magnifique princesse. Elle vivait dans un château et elle portait des robes de princesse qui coûtaient très, très cher. Elle allait épouser un prince qui s’appelait Alphonse.
Mais un jour, malheur ! un dragon passe et détruit son château, brûle tous ses vêtements de son souffle puissant et enlève le prince Alphonse.
Elisabeth part aussitôt à la poursuite du dragon pour ramener Alphonse. Elle cherche désespérément de quoi se vêtir, mais tout a brûlé. La seule chose épargnée par le feu, c’est un sac en papier.
Alors elle enfile le sac et suit les traces du dragon. »
Nous avons à faire ici à une princesse qui, on le sent d’emblée, en fera voir de toutes les couleurs à quiconque se dressera sur sa route. On peut deviner que le récit sera à la hauteur de cette jeune héroïne dynamique et qui n’a pas froid aux yeux.
Qu’il incarne un désir de rebellion, d’aventure ou de changer le monde, le héros du conte pour enfants permet donc aux lecteurs de projeter leurs intérêts tout en s’amusant, en se libérant du carcan du monde réél et pourquoi pas, en explorant de nouvelles pistes de réflexion. Le personnage principal est aussi intimement lié à sa quête: l’un doit être à la hauteur de l’autre et vice versa. Et pour finir, ce sont le héros, la quête et le ton de l’histoire qui bâtissent l’univers du conte, dont le décor se limite à quelques rares détails nécessaires au déroulement de l’intrigue. Et c’est tout cela qu’il faut réussir à enfermer dans les premières lignes 😉
Cela dit, par souci de concision j’ai choisi des exemples de contes d’une dizaine de pages maximum. Sans compter que le conte peut être associé à un tas d’autres genres. Alors si vous avez des exemples ou des conseils qui complètent ce billet, n’hésitez pas, c’est juste en-dessous!
Crédit image: freepik
Pour ma part, j’aime beaucoup lorsqu’une histoire ou un conte débute par ‘IL était une fois’… C’est vrai, que c’est comme une promesse de plein de ‘possibles’ .
C’est aussi agréable quand le début nous donne une bonne idée de ce qui suivra.
Dernièrement, j’ai lu ‘Il était une fois’ de Gilles Tibo. J’ai adoré. Justement, on parle de tout le poid de cette petite phrase pour débuter une histoire. L’as-tu lu?
Encore une fois, j’ai aimé ton billet farci de petits détails à noter… 🙂
Je ne connaissais pas cet album, je viens de le réserver à la bibli. Merci Milly, un mystère dans une librairie, ça ne se rate pas! 😉